Les peuples du monde prennent la parole: Laurent Fontaine et les Indiens d’Amazonie
Dans notre série d’interviews « Les peuples du monde prennent la parole », Laurent Fontaine nous partage ses expériences avec les Yucuna et Tanimuca de Colombie. Laurent Fontaine est ethnologue et anthropologue linguiste. Il a vécu avec les Indiens d’Amazonie qui lui ont inspiré un rapport au monde plus harmonieux.
Lorsque nous sommes trop habitués à vivre dans des sociétés industrialisées, nous perdons notre capacité à vivre de façon autonome et à nous satisfaire des ressources simples, mais essentielles de la nature.
Laurent Fontaine, présentez-vous en quelques mots
Je m’appelle Laurent FONTAINE. Je suis ethnologue et anthropologue linguiste. J’ai appris à parler deux langues indigènes : celle des Yucuna et celle des Tanimuca d’Amazonie colombienne. Durant mes temps libre, je transcris, traduis et écris des livres sur leurs mythes et leurs incantations chamaniques pour mieux comprendre leurs interactions avec la nature.
En quelques mots, qu’est-ce qu’une société idéale selon vous ?
Pour moi, une société idéale serait celle qui pourrait transmettre à tous, les enseignements des plus sages de toutes sociétés. Ceci pour le bien de l’humanité toute entière, afin de partager et de développer les connaissances et les ressources de façon juste, équitable et durable.
Laurent Fontaine, présentez-vous en quelques mots
Je suis ethnologue et anthropologue linguiste. J’ai appris à parler deux langues indigènes : celle des Yucuna et celle des Tanimuca d’Amazonie colombienne. Durant mes temps libre, je transcris, traduis et écris des livres sur leurs mythes et leurs incantations chamaniques pour mieux comprendre leurs interactions avec la nature.
En quelques mots, qu’est-ce qu’une société idéale selon vous ?
Pour moi, une société idéale serait celle qui pourrait transmettre à tous, les enseignements des plus sages de toutes sociétés. Ceci our le bien de l’humanité toute entière, afin de partager et de développer les connaissances et les ressources de façon juste, équitable et durable.
Ces deux ethnies étaient à l’origine des semi-nomades pratiquant l’horticulture itinérante sur brulis, la chasse et la cueillette en pleine forêt.
Dites-nous en plus sur les Yucuna et les Tanimuca
Les Yucuna sont originaires des forêts du Haut Miriti-Parana, comptent environ un millier d’individus, et parlent le yucuna (une langue de famille linguistique arawak). Les Tanimuca, eux, viennent principalement de l’Apaporis et de toute une région qui s’étend jusqu’au Moyen Miriti-Parana, ils sont environ trois-cent et parlent le tanimuca, une langue de famille linguistique tucano. Ces deux ethnies étaient à l’origine des semi-nomades pratiquant l’horticulture itinérante sur brulis, la chasse et la cueillette en pleine forêt.
Depuis le début du XXème siècle, les Yucuna et les Tanimuca se sont rapprochés des fleuves pour accéder aux marchandises (haches, machettes, sel, allumettes, etc.). Avec les patrons blancs, ils ont travaillé ensemble le latex, puis les fourrures jusqu’à l’interdiction de ces exploitations en 1974. Ensuite, bon nombre d’entre eux se sont déplacés vers les villes comme La Pedrera ou Leticia pour bénéficier de nouvelles opportunités économiques (notamment dans la pêche commerciale).
Chez les Yucuna et les Tanimuca, les femmes cultivent les tubercules (manioc amer et doux, taro, igname, patate douce), préparent les aliments et confectionnent les poteries. Les hommes chassent, pêchent, fabriquent les vanneries et travaillent le bois (canoës, bancs traditionnels, etc.). Ils réalisent aussi les travaux nécessitant endurance et force physique, comme l’essartage ou l’édification des malocas (grandes maisons rondes), en organisant des mingas (travaux coopératifs). En outre, ils sèment le tabac, la coca et certains arbres fruitiers.
Dites-nous en plus sur les Yucuna et les Tanimuca
Les Yucuna sont originaires des forêts du Haut Miriti-Parana, comptent environ un millier d’individus, et parlent le yucuna (une langue de famille linguistique arawak). Les Tanimuca, eux, viennent principalement de l’Apaporis et de toute une région qui s’étend jusqu’au Moyen Miriti-Parana, ils sont environ trois-cent et parlent le tanimuca, une langue de famille linguistique tucano. Ces deux ethnies étaient à l’origine des semi-nomades pratiquant l’horticulture itinérante sur brulis, la chasse et la cueillette en pleine forêt.
Depuis le début du XXème siècle, les Yucuna et les Tanimuca se sont rapprochés des fleuves pour accéder aux marchandises (haches, machettes, sel, allumettes, etc.). Avec les patrons blancs, ils ont travaillé ensemble le latex, puis les fourrures jusqu’à l’interdiction de ces exploitations en 1974. Ensuite, bon nombre d’entre eux se sont déplacés vers les villes comme La Pedrera ou Leticia pour bénéficier de nouvelles opportunités économiques (notamment dans la pêche commerciale).
Chez les Yucuna et les Tanimuca, les femmes cultivent les tubercules (manioc amer et doux, taro, igname, patate douce), préparent les aliments et confectionnent les poteries. Les hommes chassent, pêchent, fabriquent les vanneries et travaillent le bois (canoës, bancs traditionnels, etc.). Ils réalisent aussi les travaux nécessitant endurance et force physique, comme l’essartage ou l’édification des malocas (grandes maisons rondes), en organisant des mingas (travaux coopératifs). En outre, ils sèment le tabac, la coca et certains arbres fruitiers.
[…] je renouvelais encore un peu plus le plaisir de vivre dans une communauté indigène, avec le sentiment évident, et la satisfaction, de faire partie d’un tout, dans une direction commune qui a du sens.
Quelles sont vos relations avec les Yucuna et les Tanimuca ?
Mes relations avec les Yucuna et Tanimuca sont à la fois basées sur le partage des connaissances, l’entraide et le divertissement. Tout d’abord, je leur demande de m’exposer et de m’expliquer leurs savoirs ancestraux, et de m’aider à progresser dans leurs langues. En échange, je leur apporte mes humbles conseils, et je les aide autant que je peux au niveau matériel, par exemple, pour améliorer leurs habitations, ou acheter les choses de première nécessité dont ils ont besoin (vêtements, fournitures scolaires).
Evidemment, nous nous ménageons chaque jour d’incomparables moments d’amusement, de plaisanterie et de jeu ; et ce sont sans doute ces moments qui offrent le plus d’énergie et de motivation. Grace à cela, je suis heureux d’avoir toujours maintenu d’excellentes relations avec ces Indiens d’Amazonie. Tout récemment sur le terrain, je renouvelais encore un peu plus le plaisir de vivre dans une communauté indigène, avec le sentiment évident, et la satisfaction, de faire partie d’un tout, dans une direction commune qui a du sens.
Quelles sont vos relations avec les Yucuna et les Tanimuca ?
Mes relations avec les Yucuna et Tanimuca sont à la fois basées sur le partage des connaissances, l’entraide et le divertissement. Tout d’abord, je leur demande de m’exposer et de m’expliquer leurs savoirs ancestraux, et de m’aider à progresser dans leurs langues. En échange, je leur apporte mes humbles conseils, et je les aide autant que je peux au niveau matériel, par exemple, pour améliorer leurs habitations, ou acheter les choses de première nécessité dont ils ont besoin (vêtements, fournitures scolaires).
Evidemment, nous nous ménageons chaque jour d’incomparables moments d’amusement, de plaisanterie et de jeu ; et ce sont sans doute ces moments qui offrent le plus d’énergie et de motivation. Grace à cela, je suis heureux d’avoir toujours maintenu d’excellentes relations avec ces Indiens d’Amazonie. Tout récemment sur le terrain, je renouvelais encore un peu plus le plaisir de vivre dans une communauté indigène, avec le sentiment évident, et la satisfaction, de faire partie d’un tout, dans une direction commune qui a du sens.
Chaque soir, alors que je somnolais dans l’obscurité en tenant mon magnétophone allumé, Mario se plaisait à me raconter les mythes les plus longs…
Racontez-nous votre première rencontre.
En septembre 1997, après avoir passé plus d’un mois à visiter les communautés yucuna qui longent les rives du Bas Caqueta et du Miriti-Parana, entre La Pedrera et l’Internat de Jariyé, je désespérais de ne jamais rencontrer l’un de ces authentiques chamanes avec qui je voulais travailler. À ma grande surprise, c’est seulement une fois revenu dans le village de La Pedrera que j’ai rencontré Mario Matapi, un sympathique sexagénaire récemment déménagé de Jariyé, qui se vantait non seulement de connaître la mythologie sur le bout des doigts, mais d’avoir appris adulte la plupart des incantations et les chants cérémoniels en à peine deux ans.
Je ne demandais qu’à voir, mais je me fis piquer à la cheville par une fourmi Paraponera. Ma cheville avait tellement enflé que j’avais dû rester allongé le pied en l’air toute une semaine. Durant les quatre jours que je passais au centre de santé, Mario vînt plusieurs fois me voir. À sa seconde visite, il me rassura en disant que j’allais me remettre rapidement. La veille au soir, il avait prononcé pour moi une incantation et il m’appliqua un peu de coca à mâcher sur la cheville qui dégonfla complétement en deux jours.
Dans la communauté tanimuca de Comeyafu en face de La Pedrera, sur l’autre rive du fleuve, Mario m’invita dans la petite maison sur pilotis provisoirement prêtée par l’un de ses cousins. Il était venu s’y installer avec sa femme Elvira Yucuna, et sa petite fille de deux ans qu’il gardait pendant que la mère travaillait à Leticia.
C’est alors que commença pour moi la recherche dont je rêvais depuis des années. Chaque soir, alors que je somnolais dans l’obscurité en tenant mon magnétophone allumé, Mario se plaisait à me raconter les mythes les plus longs avec encore plus de détails que ceux qui avaient été enregistré 25 ans plus tôt par Pierre-Yves Jacopin, mon directeur de thèse en anthropologie. Et lorsque j’allais enfin me coucher aux alentours de minuit, Mario veillait encore la seconde partie de la nuit en prononçant de longues incantations parfois jusqu’à l’aube.
Dans le contexte actuel de remise en question de nos sociétés, que peut-on apprendre des Yucuna et des Tanimuca ?
Les Indiens d’Amazonie, et particulièrement les chamanes, sont à la fois de véritables connaisseurs de la faune et de la flore, et de formidables intermédiaires et interprètes pour nous enseigner à comprendre la vie et le langage de la nature. Or c’est principalement celle-ci qui nous permet de nous épanouir, de donner un sens à notre vie, d’apprécier les vraies valeurs des choses et d’acquérir les connaissances essentielles.
Lorsque nous sommes trop habitués à vivre dans des sociétés industrialisées, nous perdons notre capacité à vivre de façon autonome et à nous satisfaire des ressources simples, mais essentielles de la nature. Nous atrophions aussi beaucoup de nos facultés corporelles et spirituelles. Par exemple, nous n’avons pas idée des exceptionnelles capacités de mémoire que ces Indiens d’Amazonie ont appris à développer sans l’usage de l’écriture, ni des informations qu’ils perçoivent en restant réceptifs aux moindres signes de leur corps, ou de la forêt.
Pourquoi, selon vous, est-il nécessaire de donner la parole aux peuples racines ?
Les peuples racines ont appris à s’adapter à leur environnement en le respectant depuis toujours. Ils ne font pas qu’en avoir une idée distante ou abstraite. Ils vivent continuellement en pleine nature, et ont avec elle une pratique quotidienne dont dépend leur survie.
Ces peuples sont donc très conscients de l’importance que nous devons accorder à notre milieu naturel pour préserver notre descendance. Ils connaissent d’ailleurs tous les secrets pour nous permettre d’y vivre encore pendant des millénaires, sans dépendre de technologies extérieures et sans menacer l’environnement.
Quels changements souhaitez-vous voir dans le monde à la sortie de la crise que nous vivons actuellement ?
Je souhaiterais d’une part que l’on valorise davantage les choses les plus essentielles à la survie de l’humanité. D’autre part que l’on délaisse les activités et productions futiles ou toxiques contre la nature et les sociétés. L’heure est à la remise en question de l’ensemble de notre mode de vie, basé sur un épuisement et une contamination inconsidérés des ressources.
La croissance économique et le progrès technologique se font de plus en plus au prix d’un accroissement des risques écologiques et sociaux planétaires. L’instabilité à tous les niveaux est dorénavant installée sur le long terme. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous y adapter et de nous préparer à ses bouleversements les plus conséquents. Ceux qui ne les ont pas anticipés le regrettent déjà.
Les peuples racines qui continuent à vivre comme leurs ancêtres directement au sein de la nature, sont moins touchés par nos problèmes industriels et urbains. En ces temps de crise, ils sont moins directement vulnérables que nos sociétés globalisées et hyper dépendantes les unes des autres. Cela explique pourquoi beaucoup d’Indiens d’Amazonie installés dans les villes retournent à la forêt aujourd’hui.
Je souhaiterais que l’on valorise davantage les choses les plus essentielles à la survie de l’humanité, et délaisse les activités et productions futiles ou toxiques contre la nature et les sociétés.
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